Tout savoir sur le transport d’animaux vivants en Europe
Chaque année, plus d’un milliard d’animaux vivants sont transportés par camion à travers l’Europe et plusieurs dizaines de millions sont envoyés vers des pays extra-européens, la plupart à destination de l’abattoir. Au cours de ce voyage vers l’inconnu, souvent long de plusieurs centaines de kilomètres, des cochons, des vaches, des poulets et d’autres animaux sont entassés dans un espace très restreint et n’ont généralement pas un accès suffisant à l’eau potable ni à la nourriture. Ils passent parfois des jours dans une chaleur étouffante ou un froid glacial.
Le transport engendre de la souffrance chez les animaux
Chaque transport est une énorme source de stress pour les animaux. Souvent, ils sont blessés ou agonisent lentement dans les camions, et cela peu importe la durée du trajet. En effet, la souffrance se prolonge certes avec la durée du transport, mais les blessures et les décès ne sont pas rares même sur de courtes distances. Les contrôles font régulièrement état de mauvaises pratiques :
- Les animaux sont exposés à des températures extrêmes, sans protection.
- Ils n’ont pas accès à l’eau potable et sont déshydratés.
- Les camions de transport sont bondés, le manque de place entraînant un risque accru de blessures.
- Les plafonds sont trop bas, les animaux se cognent et s’écorchent le dos.
- Des membres coincés, des pattes cassées, des écrasements et d’autres blessures graves, voire la mort sont causés par des cloisons manquantes ou mal placées.
- Les animaux dont le transport est interdit comme les animaux en état de gestation avancée ou fortement blessés le sont tout de même. Il arrive même que des vaches mettent bas pendant le trajet.
Certains animaux sont transportés plusieurs fois durant leur courte vie, car de nombreuses exploitations ne sont responsables que de certaines phases de la reproduction ou de l’engraissement. Ainsi, des bébés animaux sont parfois transportés de leur lieu de naissance à leur lieu d’élevage puis, après quelques semaines, à leur lieu d’engraissement. Souvent, ils ne voient la lumière du jour ou ne respirent l’air frais que lors de ces transports, car la plupart d’entre eux ne connaissent qu’une vie de privation dans des élevage et des centres d’engraissement austères et souillés d’excréments.
Si de nombreux animaux jugés inaptes au transport sont tout de même conduits à l’abattoir, c’est entre autres par appât du gain de la part des éleveurs et des entreprises de transport. Mais la formulation floue du règlement européen sur le transport des animaux y contribue également. Ainsi, la limite entre « légèrement malades ou blessés » et « malades ou blessés » (et donc inapte au transport) n’est pas clairement définie et peut donc être interprétée librement dans une certaine mesure.
Législation sur la durée et le nombre d’animaux
Dans l’Union européenne, le règlement (CE) n° 1/2005 du Conseil du 22 décembre 2004 relatif à la protection des animaux pendant le transport et les opérations annexes s’applique et doit être respecté par tous les États membres.
Ce règlement régi notamment la durée et le type de transport. Par exemple, il fixe en principe la durée maximale d’un transport d’équidés, de bovins, d’ovins, de caprins et de porcins à huit heures. Toutefois, la durée du transport peut être prolongée sans limite (transport à longue distance) dans certaines conditions :
- Intervalles de pause et d’approvisionnement, par exemple : 24 heures avec accès permanent à l’eau potable pour les cochons et 24 heures avec une pause pour boire toutes les huit heures pour les chevaux ;
- Transport aérien ;
- Utilisation de véhicules spéciaux, comme par exemple des camions équipés d’une isolation thermique, de systèmes d’alimentation de ventilation, d’abreuvoirs, de cloisons et de systèmes de navigation particuliers permettant une surveillance de l’itinéraire par les autorités.
Si les animaux sont déchargés à un poste de contrôle agréé, reçoivent de la nourriture et de l’eau potable et se reposent pendant 24 heures, les étapes du transport peuvent être répétées autant de fois que nécessaire. Il est ainsi possible de transporter des animaux à travers le monde.
La nouvelle législation européenne n’apporte que peu de protection aux animaux
Fin 2021, les lois européennes sur le transport ont été modifiées – mais comme nous nous y attendions, elles n’ont apporté que peu de changements. Ainsi, depuis 2022, les transports vers l’abattoir ne peuvent plus durer que 4,5 heures lorsque la température extérieure dépasse 30 degrés Celsius. Cela ne concerne toutefois pas les transports qui ont une autre destination que l’abattoir. La nouvelle réglementation ne s’applique pas non plus aux oiseaux tels que les poules ou les dindes, bien qu’il s’agisse d’une situation extrêmement stressante pour les poules. Avant même le début du transport, les animaux doivent rester plusieurs heures dans des caisses étroites sans eau ni nourriture, parfois avec de graves blessures dues à un chargement brusque. De plus, tous les animaux souffrent de stress thermique même lorsque la température est inférieure à 30 degrés ou pendant les transports de moins de 4,5 heures.
Une autre modification stipule qu’à partir de 2023 les veaux ne pourront plus être transportés dès l’âge de 14 jours, mais « seulement » à partir de 28 jours. Les infractions seront également plus sévèrement punies – mais elles ne sont généralement pas découvertes en raison d’un manque de contrôles.
Début décembre 2021, les résultats décevants de la commission d’enquête du Parlement européen sur la protection des animaux pendant le transport (ANIT) ont été publiés. Bien que la commission ait fortement critiqué les règles actuelles de l’UE, les recommandations de modification n’offrent guère de protection contre les souffrances élémentaires des animaux pendant le transport.
Ainsi, il a été demandé que le transport de viande, de semences et d’embryons soit privilégié. Les véhicules transportant des animaux vivants devraient également être surveillés par vidéo, notamment lors du chargement et du déchargement. Des paramètres tels que la température, l’humidité et le taux d’ammoniac devraient être contrôlés par des appareils de mesure et les transports ne devraient être autorisés par les autorités nationales que si la température prévue est comprise entre 5 et 30 degrés Celsius. Cette fourchette est toutefois trop large pour exclure le stress dû à la chaleur ou au froid dans les camions. En outre, les députés demandent à la Commission d’imposer des restrictions générales sur la durée du transport ou sur le transport des jeunes animaux dépendant de l’allaitement maternel.
La majorité des députés de la commission ANIT ainsi que les membres du Parlement européen ont voté en faveur de ces renforcements insuffisants. Il est toutefois incompréhensible qu’un amendement n’ait pas obtenu la majorité : l’occasion d’interdire complètement les transports à longue distance de plus de huit heures dans et hors de l’UE a ainsi été manquée.
Une avancée en ce sens a cependant été initiée par le gouvernement allemand qui a interdit le transport d’animaux sur de longues distances vers certains pays en octobre 2022. Le ministère fédéral de l’Alimentation et de l’Agriculture a annoncé la suppression de l’autorisation de transport d’animaux à longue distance en direction de certains pays avec effet au 1er juillet 2023, retirant ainsi les certificats vétérinaires pour les exportations de bovins, ovins et caprins vivants vers certains pays en dehors de l’Union européenne. Les pays concernés n’ont pas encore été annoncés.
Réglementation spéciale : transport par bateau
Les bovins et les ovins, en particulier, sont transportés au-delà des frontières de l’UE lors de voyages en bateau qui durent des jours, ou même des semaines. Le temps passé sur les bateaux n’est toutefois pas considéré comme un temps de transport officiel, comme c’est le cas pour les transports par camion. Pourtant, les animaux souffrent énormément sur les ferries, souvent réaménagés de manière approximative. Ils ont très peu d’espace, les conditions de ventilation dans les cales souillées d’excréments sont généralement extrêmement mauvaises, les animaux sont souvent mal nourris et mal approvisionnés en eau. Les soins médicaux font presque toujours défaut et les animaux morts sont jetés illégalement par-dessus bord en mer.
Une investigation menée par la commission d’enquête du Parlement européen sur la protection des animaux pendant le transport a révélé la gravité des infractions en haute mer. Pour la première fois, les 78 navires de transport d’animaux certifiés par l’UE ont fait l’objet d’une enquête approfondie sur leur aptitude à naviguer. Le résultat est effrayant : en plus des lacunes en matière de protection des animaux, de graves problèmes de sécurité et de protection de l’environnement ont parfois été constatés. Les cargos pour animaux certifiés par l’UE entrent donc pour la plupart dans la catégorie des navires à haut risque.
Cela montre une fois de plus que dès leur sortie de l’UE, il n’y a plus de possibilités de contrôle et la protection des animaux n’est pas garantie. Rappelons que l’UE est le plus grand exportateur mondial de bétail.
Les contrôles des transporteurs révèlent de graves infractions
Les contrôles visant à vérifier le respect des directives, dont la formulation est parfois floue, sont trop rares et montrent souvent que même les exigences légales minimales ne sont pas respectées. En 2018, les forces spéciales de la police d’Oldenburg en Allemagne ont constaté des infractions sur environ 66 % des camionnettes contrôlées lors de contrôles routiers ciblés. L’un des principaux problèmes était la surcharge. Autre problème : en raison du nombre élevé d’animaux dans les véhicules, les transporteurs et les contrôleurs ne peuvent généralement pas tous les examiner. Plus récemment, une commission d’enquête du Parlement européen sur la protection des animaux pendant le transport a constaté des manquements systématiques à l’application des règles existantes sur la protection des animaux pendant le transport.
Souvent, les recommandations prescrites ne peuvent tout simplement pas être appliquées, comme par exemple l’abreuvement de plusieurs centaines de veaux pendant la pause obligatoire d’une heure. Pour les veaux qui ont encore besoin du lait maternel, il n’existe pas non plus de véhicules de transport équipés de dispositifs spécifiques de succion. Ainsi, les nouveau-nés ne peuvent même pas boire lors des voyages qui durent des heures.
L’espace prescrit n’a rien à voir non plus avec une quelconque « protection ». Ainsi, un cochon de 120 kilos ne dispose que de 0,55 mètre carré. Les animaux sont souvent blessés par leurs congénères car ils marchent sur ceux qui sont couchés par manque de place. Mais s’il y avait « trop » d’espace disponible, les animaux pourraient tomber lors du freinage ou de manœuvres – quelle que soit la manière dont on l’aborde, le transport d’animaux est synonyme de souffrance.
Le transport vers des pays hors UE implique encore plus de souffrance animale
En 2015, la Cour de justice européenne a jugé que le règlement européen sur le transport des animaux s’appliquait également aux pays tiers. Cependant, de nombreux pays ne disposent pas de suffisamment de points de relais, ce qui ne permet pas aux animaux de se reposer et de s’alimenter pendant les longs trajets. Ces derniers souffrent donc pendant des jours ou même des semaines de la chaleur, du froid, de la faim, de la soif, de la promiscuité, du stress et de l’épuisement, debout dans leurs propres excréments. Bien que cette pratique illégale soit connue depuis longtemps des politiques, des entreprises concernées et de nombreux vétérinaires, les transports d’animaux se poursuivent presque sans entrave.
En outre, les bateaux servant au transport des animaux en mer étant souvent inadaptés et dans des états déplorables, cela favorise la souffrance des animaux à bord et les accidents. En 2019, le Queen Hind, un navire d’exportation transportant plus de 14 000 moutons destinés à l’abattage depuis la Roumanie en direction de l’Arabie saoudite, a chaviré, entraînant la noyade de presque tous les animaux. Le monde entier avait été choqué par les images des cadavres des moutons flottant dans la mer Noire. Cet accident n’est malheureusement pas un cas unique. Les navires sont parfois bloqués en mer ou à quai à cause de problèmes administratifs, et les animaux peuvent alors rester enfermés au milieu de leurs excréments, manquant d’eau, de nourriture et de soins pendant des semaines, voire des mois. Ce fut le cas par exemple en 2021, avec deux navires en provenance d’Espagne à destination de la Turquie, l’Elbeik et le Karim Allah, qui transportaient environ 3 000 jeunes taureaux. Ils ont été bloqués en mer pendant trois mois et ont finalement dû faire demi-tour. Des animaux morts pendant cette période ont été jetés par-dessus bord et les survivants ont été déclarés impropres à la consommation alimentaire et éliminés à leur retour.
Dans les pays destinataires situés en dehors de l’UE, il n’est pas rare non plus que des infractions au bien-être des animaux soient commises après le transport. Les normes européennes, qui ne sont de toute façon pas en mesure d’empêcher la souffrance, ne sont souvent pas respectées. Les animaux sont ainsi confrontés à une grande violence, notamment en Algérie, en Iran, au Liban, au Maroc et en Ouzbékistan. De nombreux animaux qui survivent au transport vers ces pays dits à haut risque pour la protection des animaux sont tués violemment et sans étourdissement – et il n’est pas rare qu’ils le soient directement après leur arrivée, bien qu’ils aient été identifiés comme « reproducteurs ».
La politique autorise sans cesse de nouvelles échappatoires
Dans un but de protection des animaux, les transports vers des pays hors UE sont déjà interdits par le Luxembourg depuis mars 2022 et par certains Länder allemands, notamment parce que les animaux ne peuvent pas être soignés de manière adéquate sur ces itinéraires et qu’ils risquent souvent une mort atroce dans les pays de destination.
Cependant, certaines autorités vétérinaires offrent une échappatoire aux entreprises de transport en se montrant particulièrement permissives en ce qui concerne les autorisations aux entreprises de transport. Parfois, les interdictions sont également annulées par des décisions de tribunaux administratifs locaux. De plus, les transports vers d’autres pays de l’UE sont également autorisés. De là, les animaux peuvent ensuite continuer à être expédiés vers des pays non membres, c’est pourquoi une interdiction à l’échelle européenne est indispensable.
Ces dernières années, des reportages sur le transport, le déchargement d’animaux vivants et leur abattage ont montré toute l’étendue de la cruauté du processus. Mais au lieu de prendre les mesures qui s’imposent depuis longtemps et d’interdire les transports d’animaux, au moins vers les pays hors UE, la politique s’est contentée de restreindre le transport des animaux dits « de boucherie », c’est-à-dire des animaux qui sont immédiatement tués à leur arrivée dans les pays de destination.
Cela fait donc des décennies que certains pays européens vendent des animaux, y compris des femelles gestantes, à des pays non membres à des fins prétendument de reproduction – et cela alors qu’il n’y a pas de structures d’élevage dans ces pays et que les animaux ne contribuent donc pas à la constitution de troupeaux pour atteindre l’autosuffisance alimentaire. Pour cette raison, les animaux dits « reproducteurs » sont également tués rapidement dans les abattoirs de ces pays. Par ailleurs, leur exportation est elle-même discutable : en effet, ils seront tués selon des pratiques d’abattage interdites dans l’UE après quelques années.
Jo-Anne McArthur / We Animals
Vers une interdiction à l’échelle européenne ?
En octobre 2022, l’Allemagne a annoncé interdire toute exportation d’animaux vivants vers des pays hors Union européenne à compter du 1er juillet 2023, et ceci que les animaux soient destinés à l’engraissement, à l’abattage ou à la reproduction. Mais afin d’éviter que ces mesures nationales ne puissent être contournées en passant par les autres pays membres de l’UE, des règles communes doivent être établies en Europe.
Avec une révision de la législation européenne sur le bien-être des animaux et leur transport prévue à l’automne 2023, l’interdiction d’exportation d’animaux vivants en Europe n’a jamais été aussi proche. L’Allemagne, la Belgique, le Danemark, le Luxembourg, les Pays-Bas et la Suède soutiendront probablement cette interdiction, ces pays ayant récemment appelé à des restrictions plus importantes sur les expéditions d’animaux en dehors de l’UE. Mais d’autres pays, comme l’Irlande et la France, s’y opposent déjà.
La majorité des citoyens sont contre le transport d’animaux en dehors de l’UE
Un rapport de 2022 sur les lois de l’UE en matière de protection animale a révélé que 94 % des citoyens interrogés étaient favorables à la fin des expéditions d’animaux vers des pays tiers. La même année en France, un sondage de l’Ifop pour la Fondation 30 Millions d’Amis révèle que 85 % des Français sont favorables à la fin de tout transport d’animaux vivants vers leur lieu d’abattage. Le message est clair : les citoyens européens ne veulent plus accepter la souffrance animale inhérente aux transports et attendent un réel changement dans ce sens.
Ce que vous pouvez faire
Une révision des lois de l’UE sur le bien-être animal et le transport est prévue pour la fin 2023. Passez à l’action en interpelant la Commission européenne afin qu’elle interdise l’exportation d’animaux vivants :
Et agissez dans vos actes quotidiens en refusant de consommer des produits d’origine animale comme la viande, le lait ou les œufs, car derrière ceux-ci se cache une grande détresse. Demandez notre Guide du végan en herbe gratuit afin de commencer dès aujourd’hui à mener une vie saine et respectueuse des animaux en toute simplicité :