Pourquoi j’ai parcouru nue les rues d’Avignon pour les animaux captifs des cirques
Je me suis récemment dénudée et me suis tenue en Avignon, sur l’esplanade de l’hôtel de ville et devant le palais des papes, vêtue seulement d’une culotte et peinte avec des rayures de tigre. Des photos de moi dans cet accoutrement quelque peu singulier ont fait les gros titres de médias français, et même de certains médias internationaux.
En cette journée internationale des droits des femmes, je tiens à expliquer pourquoi j’ai rejoint cette protestation et me suis servie de mon corps pour militer pour les animaux emprisonnés dans les cirques, dont le quotidien empli de souffrance est bien trop souvent ignoré. La journée internationale des droits des femmes, ce 8 mars, est l’occasion de se rappeler de l’importance de combattre l’oppression dans toutes ses formes.
Des révélations de PETA ont montré des félins terrifiés et battus et des oursons attachés par des chaînes autour du cou pour les forcer à se tenir debout, entre autres actes de maltraitance extrême. Menacés, fouettés, électrocutés et parfois privés de nourriture, ces animaux sont forcés à accomplir des numéros inconfortables et parfois dangereux. Ils passent la majorité de leur temps dans des cages exigües et sinistres ou entravés par des chaînes. Ils deviennent fous à cause du stress et de la frustration de la captivité et beaucoup développent des comportements névrotiques – ils tournent en rond, tentent de s’échapper, ou s’automutilent.
https://www.youtube.com/watch?v=X-WHKJimtoE
Les animaux d’espèces sauvages n’ont rien à faire en captivité, loin de leur environnement naturel où ils seraient libres de parcourir de grandes distances et de vivre avec leurs congénères. Mais les chevaux, chiens, lamas et autres animaux dit « domestiques » exploités par les cirques souffrent tout autant. Il s’agit également d’individus sensibles, qui ressentent des émotions comme la douleur, la solitude, la tristesse et la peur au même titre que nous. Ils ne sont pas des jouets dont on peut se servir pour divertir quelques personnes et gagner de l’argent.
Avec le nombre de spectacles d’artistes et d’acrobates captivants et divertissants qui existent de nos jours, il est non seulement immoral mais parfaitement inutile de continuer à asservir des animaux pour notre divertissement. Ces trapézistes, gymnastes, comédiens et autres se produisent volontairement plutôt que par peur de recevoir des coups ou d’être privés de nourriture, contrairement aux tigres, zèbres, poneys et autres animaux qui n’ont pas le choix.
Les actions de rue comme la mienne, dévoilant des corps d’hommes ou de femmes, captent l’attention et servent à lever le rideau sur ces maltraitances. Comme le dit Dan Matthews, vice-président de PETA États-Unis et à l’origine de la célèbre campagne de PETA « I’d Rather Go Naked Than Wear Fur » (« Plutôt nu qu’en fourrure »), « Il y a tant de compétition pour attirer l’attention du public. Nous, nous ne pouvons pas attendre sagement d’être entendus car les animaux souffrent trop. Or rien ne frappe plus que la nudité ».
J’encourage les personnes choquées par la vue de mon corps nu à visionner les videos ci-dessus, montrant des actes véritablement choquants envers des êtres doux et sensibles. Je rappelle aux femmes et hommes ne trouvant pas ce genre d’action féministe que le véritable féminisme repose sur une base d’égalité pour tous et qu’il est crucial que nous commencions à considérer les animaux comme nos égaux, et méritant, tout comme nous, de vivre leur vie en liberté et sans souffrance. Je demande à ceux impressionnés par mon courage d’en faire de même, et de militer à leur tour et à leur façon pour ces êtres qui ne peuvent pas faire valoir leurs propres intérêts.
Enfin, j’incite tout le monde, qu’ils admirent ou condamnent mon action, à se rendre compte que derrière cet évènement tape-à-l’œil, se cache la souffrance quasi-invisible de milliers d’animaux qui languissent en captivité.
La lutte des femmes pour l’égalité a franchi de nombreux obstacles mais nous avons encore du chemin à faire pour faire en sorte que certains droits fondamentaux – comme celui de ne pas être exploité – ne soient pas déterminés par l’espèce à laquelle l’être exploité appartient, pas plus qu’à son sexe. Comme l’explique l’auteur de La Couleur Pourpre, Alice Walker, « Les animaux du monde existent pour des raisons qui leur sont propres. Ils n’ont pas été faits pour les humains pas plus que les Noirs ont été faits pour les Blancs ou les femmes pour les hommes ». Il existe en effet peu de différences entre ces deux luttes et nous devons continuer de lutter pour la prise en compte de ces « autres » qui ne sont « pas comme nous » mais sont capables de souffrir, tout comme nous.
J’encourage donc tous ceux qui se soucient de l’égalité et de la justice sociale à ne pas se rendre à des spectacles avec animaux ni dans tout autre lieu qui détient des animaux en captivité pour le profit, afin de ne pas cautionner cette cruauté.
Juliana Marques est une activiste brésilienne, qui milite pour les droits des animaux depuis 1999. Elle est photographe et photojournaliste et est aussi la responsable au Brésil pour la campagne Petropolis Cidade dos Cavalos Sofredores (Petropolis ville des chevaux souffrants) qui lutte contre l’exploitation des chevaux de calèches. Elle est aussi la créatrice du projet Adopt Monster pour la stérilisation des chats errants.